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26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 10:37
J'ai découvert Schopenhauer, en septembre 2002, deux semaines après l'entrée en terminale et la découverte de la philosophie. Ce pavé de 1450 pages qu'est Le Monde comme Volonté et comme représentation, massivement posé au millieu de petits livres de poches sur  l'étagère "philosophie" du CDI du Lycée Jeanne d'Arc de Nancy, m'a tout de suite intrigué. Je ne savais pas trop bien par quel bout le prendre, alors j'ai cherché dans la table des matières un chapitre au sujet intéressant. Et j'ai lu le passage intitulé "Métaphysique de l'amour (sexuel)" [=> le titre français fait malheureusement abstraction de cette partie du titre original : "Metaphysik der Geschlechtsliebe"], le supplément n°44. Il n'y a sans doute pas pire entrée en matière dans la philosophie de Schopenhauer pour quelqu'un qui place l'amour au dessus de tout... La lecture de ces quelques pages, d'une dureté, d'une mysoginie et d'un désenchantement total ne peut être qu'un électrochoc. "Quel est ce vieux philosophe aigri et frustré qui a bien pu écrire de telles inepties", me suis-je dit... Eh bien, le plus grand génie de la philosophie occidentale !!!
 
Mais ces "inepties" étaient écrites dans un style limpide, dans une écriture à la fois lumineuse et profonde. Ce discours, tout désagréable à lire qu'il puisse être, était clair et non pas confus, compliqué et incompréhensible, comme je pouvais le supposer. Je pensais les livres de philosophie d'une insondable complexité et impossibles à comprendre. Même si après coup je réalise qu'effectivement je ne comprenais pas vraiment la portée de ce que je lisais, j'avais trouvé en Schopenhauer un esprit vif et clair, pénétrant et profond. J'avais le sentiment de trouver un interlocuteur dans ce monde hostile et incompréhensible. Il avait une telle assurance, une telle détermination et une telle force d'esprit que la lecture de ces quelques pages, pour ainsi dire bien peu importantes dans son oeuvre, a fait naître en moi un profond intérêt pour cet homme, intérêt qui dégénèrera très vite (après la lecture du supplément 41, intitulé "Métaphysique de la mort"), en une véritable passion et une grande admiration. Ainsi, je suis entré dans la "Thèbes au cent portes", par la plus petite et la plus contestée des entrées de la pensée de Schopenhauer : sa pensée de l'amour (Schopenhauer compare sa philosophie à la ville de Thèbes : quelque soit la porte empruntée, on finit par atteindre le principe fondamental de sa pensée).
 
Au bout de quelques mois, je savais que je ferai des études de philosophie, et que mes travaux de recherche en Maîtrise et DEA seraient consacrés à Schopenhauer... Trois ans plus tard, je formulais mon projet de mémoire de Master (qui entre-temps avait regroupé la Maîtrise et le DEA) avec l'aide de M. Christophe Bouriau...
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commentaires

Y
Un autre témoignage expliquera sans doute bien des choses sur son écriture. <br /> J'ai découvert Schopenhauer à 19 ans (à peu près comme toi). Mais alors je dois avouer que pour ma part c'est l'amnésie totale concernant comment, où et pourquoi je suis tombé sur lui. Je sais même plus quel était ma conception du monde avant de l'avoir lu. Une star people m'a dit un jour qu'il ne se souvenait plus comment était sa vie avant qu'il ne soit connu et qu'il avait finalement l'impression (même si ça ne lui été arrivé qu'à 25 ans) qu'il l'avait toujours été une star. Je pense que je dirais un peu la même chose concernant mon passé intellectuel avant Schopenhauer. J'ai l'impression qu'il a toujours été dans ma vie et que je n'ai jamais vu le monde autrement qu'avec ses yeux. C'est peut être aussi parce que ça coïncide également avec ma sortie de la sombre période de l'adolescence...<br /> <br /> Ce dont je suis sûr en tout cas c'est que après avoir acheté "le monde..." j'ai mis plusieurs mois à comprendre ce qu'il voulait dire. En fait j'étais simplement séduit par des "phrases chocs" sans comprendre aucunement le fond de sa pensée. Avec n'importe quel auteur j'aurais laissé le livre de côté (et nombres de livres passaient par la fenêtre quand je comprenais pas. Avec le temps je commençais même à mépriser très profondément la philosophie ou le contraire à me dire que je devais être trop con pour lire Hegel, Sartre...). Mais voilà qu'avec Schopenhauer c'était différent. Je ne sais pas pourquoi je m'obstinais à lire des pages un peu n'importe où et sans m'en rendre compte je commençais à me pénétrer de son vocabulaire. Les mots entendement et raison commençaient à sonner différemment, la loi de causalité m'apparaissait clairement construite de temps et d'espace et de ce même entendement... et l'Oeuvre Schopenhauerienne m'apparut ensuite très rapidement. Je surfais sur les lignes porté par un oeil plus aiguisé, le relisant deux fois dans l'ordre cette fois ci (une fois la première partie en entier puis tous les suppléments, à la deuxième lecture je lis chaque chapitre puis le supplément donné directement). Puis je m'attaquai à tous ces écrits ainsi que tout ce qu'on avait pu écrire sur lui d'intelligent et documenté (Safransky, Philonenko, Barbera... je suis en ce moment sur le Félix).<br /> <br /> Mais ce qui avec le recul (3 ans maintenant) me frappe aujourd'hui le plus, c'est quand je me rend compte à quel point à cette période j'apprenais presque autant, maintenant que j'étais nouveau Schopenhauerien, en ne lisant pas qu'en le lisant. En effet je pouvais laisser le livre deux semaine de côté, qu'en revenant mon cerveau avait travaillé tout seul tout le temps et que je lisais les choses avec plus de compréhension. Et ce encore aujourd'hui et de plus en plus. <br /> J'ai d'ailleurs parfois l'impression d'être tellement Schopenhauerien dans ma façon de pensée que j'ai vraiment l'impression que Schopenhauer s'est greffé à mon cerveau et qu'il a pris possession de mon corps. Un peu comme si, sûr de son principe d'indestructibilité de notre être en soi, il avait écrit pour devenir immortel dans d'autres têtes et ainsi se réincarné pour continuer son oeuvre...
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J
<br /> Merci pour ce beau témoignage, plein de sens, je pense, pour tous les schopenhaueriens. Je partage cela à beaucoup d'égards, car j'ai moi aussi le sentiment d'avoir toujours été<br /> schopenhauerien, et de l'avoir simplement découvert à la lecture de ses oeuvres. Il exprimait ce que je vivais, et formulait la façon dont je percevais le monde.<br /> En vous remerciant pour vos commentaires, et pour votre visite. En espérant lire d'autres réactions de votre part, à l'avenir.<br /> A bientôt,<br /> Jean-Charles Banvoy<br /> <br /> <br />

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