Le congrès Schopenhauer de Francfort est passé depuis presque un mois déjà et je m'aperçois que je n'ai pas pris le temps de l'évoquer ici... Un séjour magnifique, un peu éprouvant, mais motivant et enrichissant. Un congrès intéressant qui fut l'occasion de retrouvailles, de rencontres et de découvertes intéressantes (conférences, livres, etc.). J'ai eu la chance de voir, avec mes compères schopenhaueriens Yann et Arnaud, l'exposition organisée sur la vie et l'œuvre de Schopenhauer. Nombre de ses ouvrages, de lettres manuscrites, de tableaux, et d'objets personnels... et puis plein de petites animations autour de son œuvre pour découvrir, de façon accessible, les grandes lignes de sa pensée et ses rapports avec les différents philosophes allemands de son temps... J'ai également découvert une ville (Francfort) étrangement familière, faite de contrastes entre ancien et moderne, entre de lourds bâtiments historiques en pierres, et de hauts buildings, symboles d'une intense activité économique. Contraste en même temps illusoire puisque ces bâtiments historiques sont quasiment tous issus de la reconstruction de la ville, presque entièrement détruite par les bombardement alliés à la fin de la seconde guerre mondiale.
Une intense impression de réconfort m'a accompagnée tout au long de ce séjour, peut-être simplement bercé par l'ombre d'un Arthur Schopenhauer commémoré et certainement bien fier de l'être (oui, je sais, il dirait qu'il n'est plus là et pas sur un petit nuage dans le ciel, mais bon l'allégorie me plaît...). Par contre, j'ai un grand regret j'ai oublié de lui apporter des coussins, du tissu, un énorme sac de plumes, pour rembourrer son cercueil afin d'apaiser ses douleurs dues aux multiples retournements qu'il effectue chaque jour du fait de l'écho des voix des commentateurs du monde entier. Le tout accompagné d'une liste d'excuses longue comme le bras, au nom de tous (ou presque, et je ne suis malheureusement pas dans ces exceptions car il m'est arrivé de dire quelques conneries, il faut le reconnaître), pour s'excuser d'écrire et de publier tant de conneries sur son œuvre, de ronger sa philosophie et de ne pas lui avoir rendu justice depuis ces 150 dernières années. Ce sera pour la prochaine fois, promis.
Quand vous lisez dans un livre paru en 2010, au demeurant brillantissime, que la négation de la Volonté est semblable à la pulsion de mort chez Freud, vous vous dites que ce pauvre homme n'a pas fini de jouer à la toupie dans son caveau. Pauvre Schopenhauer, puisses-tu nous pardonner...
Non, rassurez-vous, je ne perds pas la boule. Je ne suis pas un fanatique qui s'adresse à lui comme si c'était le bon Dieu et qu'il était parmi nous. Je suis juste en colère contre des fausses idées qui se perpétuent. Pas que je sois borné et que je refuse toute autre interprétation de Schopenhauer que la mienne (comme certains semblent le supposer), mais c'est simplement que, comme souvent lorsqu'il s'agit du rapport à Freud, c'est absolument pas argumenté, c'est de la décoration, c'est juste histoire de faire un petit pont, l'air de rien... Genre, je te dis que c'est semblable à la pulsion de mort, et puis hop, au revoir. Je t'ai étalé ma culture au passage et puis je te laisse te débrouiller avec... Alors que c'est un pont lourd de conséquence et qui, à mon sens, déforme la pensée de Schopenhauer.
Je me suis expliqué sur ce point je ne vais pas recommencer (cf. billet du 27 juillet "La question de la pulsion de mort chez Schopenhauer"). Je voudrai simplement argumenter contre cette formulation générale. Ce sera court, rassurez-vous (c'est du pinaillage de chercheur, alors ça va pas intéresser grand monde...). La négation de la Volonté est une extinction de la Volonté, elle n'est en rien une tendance, une pulsion qui habite chaque cellule vivante (et donc chaque être de la nature) et la fait tendre vers l'inorganique, vers la destruction. Outre la différence de niveau entre un principe métaphysique Thanatos (pulsion de mort) et l'attitude humaine apparentée pour Schopenhauer à l'attitude hautement morale dans le renoncement d'un individu à affirmer sa Volonté. il y a une différence métaphysique évidente. La négation de la Volonté consiste en une auto-exctinction de la Volonté, en un renoncement, alors que la pulsion de mort est une tendance positive : elle est une force destructrice présente en toute cellule vivante, une "Volonté de mourir" (qui est en combat avec la pulsion de vie Eros), si vous me permettez l'expression..
Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de semblable là-dedans... Si quelqu'un peut m'expliquer, je veux bien discuter et mettre toute ma bonne volonté pour comprendre, et y consacrer tout le temps qu'il faudra, parce que mon esprit lent et borné ne comprend pas comment on peut dire une chose pareille !! Je suis juste déçu de voir l'excellent commentaire de M. Stanek finir sur cette note, qui gâche un peu, à mes yeux, le bouquet final. Ce n'est là qu'un minuscule détail (tout comme le petit flottement sur le terme d'inconscient qui aurait mérité d'être mieux défini... exigence somme toute personnelle, mais que voulez-vous, on ne se refait pas), et vous devez me trouver un peu dingue de m'emporter de la sorte et de me formaliser pour une demi-phrase dans un livre brillant de 290 pages, dont je ne peux que vous recommander chaudement la lecture. Après, on va finir par me taxer automatiquement d'anti-Stanek, comme on a le plaisir de me taxer automatiquement d'anti-Rosset... Je vais encore passé pour le fanatique prétention en colère contre les méchants commentateurs officiels, en exhibant ma petite critique pour mieux cacher mes éloges (et non, je ne suis pas paranoïaque, juste trop souvent incompris à mon goût...). C'est juste que cette phrase est dommageable et que j'ai du mal à comprendre ce qu'elle fait dans un livre de cette qualité, voilà tout.
En espérant pouvoir en discuter un jour avec son auteur, que j'aurai peut-être la chance de rencontrer à l'occasion du colloque toulousain qui s'annonce (si toutefois, avant tout, j'arrive à rallier Toulouse par ces temps de grèves...).
Je tenais, pour finir, à vous remercier toutes et tous de vous intéresser (de plus en plus nombreux) à ce blog, peuplé d'annonces diverses, de coups de gueule, de tirades parfois personnelles, parfois un peu trop passionnées et manquant d'objectivité et de sérieux, et de rares rapports de l'avancée de mes recherches. Merci infiniment de votre soutien et de vos encouragements, et si vous êtes de plus en plus nombreux c'est que je ne dois pas être si chiant que ça... Oui, je sais, je sais... mais bon, laisser moi rêver un peu, s'il vous plaît !